13 janvier : l’ombre de moi-même

Se réveiller avec un mal de crâne, ce n’est franchement pas le meilleur moyen de commencer la journée. M’enfin, j’ai déjà acquis que les prochains jours vont être compliqués, surtout du point de vue mental.

J’ai beau avoir réussi à me lever du lit, j’ai l’impression que mon corps ne m’a pas accompagné. Quand je vois l’image que reflète le miroir, je pense que si je faisais un casting pour jouer dans the Walking dead, on me prendrait sans hésitation. L’avantage c’est qu’actuellement, mon physique est bien le cadet de mes soucis. Ça change un peu. Je descends me préparer mon thé réconfortant du matin. J’ai beau essayer de ne pas ruminer, rien n’y fait, ça gronde en moi. Depuis hier soir, je suis un amalgame de pensées contradictoires. Je ne sais pas ce qui est juste ou non. Je suis tiraillée entre ma conscience professionnelle et personnelle. D’ailleurs, dès que je commence à vouloir analyser, mes yeux se troublent et les larmes font leur entrée. Je m’épuise toute seule…

Durant cette matinée je ne fais pas grand chose. Je suis une ombre qui erre dans la maison et qui, surtout, imprègne le canapé. Je décide d’appeler mes parents, mon deuxième soutien moral ô combien important pour moi. A peine la première sonnerie retentit que ma mère décroche et sait d’emblée que quelque chose ne va pas. Il paraît que cela s’appelle l’instinct maternel. Ce qui aide aussi c’est que j’appelle en pleine semaine à 11h, chose qui n’arrive jamais en temps normal. J’essaye de prendre une attitude désinvolte, après tout, je suis une femme forte je peux gérer cette situation. Mais avec maman, mon armure déjà bien fissurée se brise et les émotions prennent une fois de plus le dessus. Je voudrais qu’elle soit là, qu’elle me prenne dans ses bras pour me dire que tout ira bien. Mais de l’entendre me fait déjà beaucoup de bien. J’arrive enfin à admettre que je ne vais vraiment pas bien. Après avoir parlé, je peux enfin mettre des mots sur ce que je ressens et surtout le dire à voix haute. Je me considère comme un échec. J’ai l’impression de décevoir mon entourage car je n’ai pas été capable de surmonter cette épreuve. Moi qui me croyais forte avec un mental d’acier, je viens d’échouer lamentablement. J’ai honte de moi, je culpabilise d’avoir laissé mes collègues dans l’embarras avec des montagnes de choses à faire. Je me déçois car je m’étais promis de ne pas en arriver là. Enfin, j’ai peur en l’avenir car je ne sais pas comment vont se passer les prochaines semaines. Mon père est présent au bout du fil. Lui aussi a des mots réconfortants et comme à son habitude, il arrive à me faire rire. Je raccroche, soulagée et le cœur un peu moins lourd. Je sais qu’ils seront là quoiqu’il se passe et qu’ils ont confiance en moi, plus que moi-même d’ailleurs…

Ce midi, à bas les bonnes habitudes. Je n’ai aucune envie de faire à manger alors je pioche dans ce qui me tente. Je fais partie des personnes qui mangent leur émotion. Et là, je ne peux pas m’en empêcher, même que je n’ai pas envie de m’en empêcher. Je rattraperai les dégâts plus tard, pour le moment je vais m’apporter un peu de réconfort.

Dans l’après-midi, j’ai toujours l’impression d’être un légume végétatif. Je n’ai qu’une envie, c’est de rester emmitouflée sous le plaid à regarder des séries Netflix. Puis je sais qu’il reste du chocolat dans le placard. Ne dit-on pas que c’est bon pour le moral? Tout dépend de la portion ingurgitée je vous l’accorde. Je suis donc là, tiraillée entre mon désir de rester au chaud ou d’aller chercher la gourmandise quand, comme un signe du destin, je reçois des boosts de mon équipe sur squadeasy. Ma curiosité est plus forte et je regarde les challenges du moment. Il y en a un qui concerne la marche. Ça pourrait être jouable. Pourtant, j’hésite encore à sortir. Je n’ai vraiment pas envie d’aller affronter le monde extérieur. Quand je lis les exploits des autres membres, je culpabilise encore plus. Rien ne les arrête, ils ont une énergie débordante. « Tu sais que cela te ferait du bien de prendre un peu l’air frais… » Oui je sais Bienveillante. Sur le tchat, les messages d’encouragement fusent. Ok c’est bon je vais me préparer.

15 min plus tard, je suis en route. Où pourrais-je bien aller? je n’en sais rien. Je vais donc laisser mes pieds me guider. Musique dans les oreilles, je commence mon périple. Au rythme de mes pas, mes pensées jaillissent. Je voudrais juste qu’elles soient de passage et me laissent tranquille. Mais non, elles persistent et avec elles, l’angoisse revient. Alors j’évacue encore. Je sens le goût salé des larmes sur mes lèvres. Heureusement que j’ai pensé aux mouchoirs, sinon bonjour la cata du nez qui coule… Je marche encore et encore, comme si c’était un exutoire, je veux juste me délaisser de toutes ces émotions négatives qui m’habitent en ce moment.

Quand je rentre, presque deux heures se sont écoulées. Nom d’une pipe en bois, je n’ai pas vu le temps passer. Comment suis-je ? vidée. Et un peu mal aux pieds. En même temps, ils avaient plus l’habitude les pauvres. Mais ce que je retiens surtout c’est que je vais un peu mieux. Première bonne nouvelle, je n’ai plus envie de pleurer et j’ai même une ébauche de sourire sur le visage. Deuxième bonne nouvelle, j’ai rapporté des points à l’équipe! Mon estime de moi remonte un peu. Je sais que je suis encore très fragile et qu’à la moindre anxiété je peux craquer. Mais pour le moment je me concentre sur ces choses positives.

Après une bonne douche bien chaude, un masque pour le visage et une crème bien hydratante pour le corps, retour du pyjama et des fesses sur le canapé. Faut pas m’en demander trop non plus hein le médecin a dit que rien faire c’est ok aussi. Moi j’applique les consignes. D’ailleurs, comme j’ai un chérinou qui déchire, c’est même lui qui se colle aux fourneaux ce soir. Pour la première fois depuis un baille, je n’ai pas eu le droit à « on mange quoi ce soir? ». Pour le coup je n’ai pas non plus à poser la question car je sais déjà ce qu’il va préparer, la surprise sera avec quelle sauce les pâtes seront servies.

Cette nuit je pense que je dormirai un peu mieux. Merci les anxiolytiques et la promenade. En me couchant j’essaie de me convaincre que ça ira bientôt mieux, mais que pour l’instant, je dois d’abord accepter le fait que j’aille mal et évacuer tout ce que j’ai pu accumuler ces derniers mois. Je n’ai encore aucune visibilité sur l’avenir et aucune réponse à mes questions. Ça me fait peur mais ça viendra. Et puis, n’oublions pas que je ne suis pas seule pour affronter ça. C’est avec cette pensée positive que je réussis à rejoindre Morphée pour un monde peuplé d’incertitudes et de tableaux Excel….

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