22 juillet : ne pas avoir peur de se confier
« Ma petite licorne à frisettes, il est l’heure de te lever. Ce matin, tu as rendez-vous avec la psychologue ». Gnnniiiiiaaaaaa, j’entends Bienveillante, j’entends mais mes yeux ne sont pas du même avis….. 08H00 n’est pas un horaire convenable pour me sortir du lit. Alors avant de faire quoique ce soit, je roule sur le matelas pour finir bien emmitouflée dans les bras réconfortants de chérinou. Un geste simple et banal mais ô combien apaisant. Je puise dans son énergie pour recharger mes propres batteries. D’ailleurs, on ne s’en rend pas forcément compte mais quand on est happé dans le tourbillon de la vie, on perd au fur et mesure que le temps passe, la valeur de ces moments. Comme l’attraction des débuts dans une relation. Pourtant elle est toujours là, c’est juste que l’on n’y fait pas attention à cause de notre esprit préoccupé par tant de choses. Aujourd’hui j’en prends encore plus conscience. Quand un drame vous frappe, le choc subit entraîne indéniablement des répercussions sur votre façon d’être et de penser. Parce que la vie passe vite, je veux profiter de ces moments de douceur avec l’homme qui a conquit mon coeur. Notre amour s’est encore renforcé, et bien que parfois il met les nerfs à rude épreuve, je l’aime plus que tout. Il est mon pilier et ma force du moment. Alors pour que ma journée commence bien, comme chaque matin depuis mon retour, on profite de quelques minutes d’apaisement. Avant que le chien ne vienne aussi s’en mêler hein…
09H00, je suis fière de moi, j’ai réussi à me lever, me doucher, faire un semblant de brushing, trouver une tenue et tout ça sans trop me presser. Après quatre jours de larve attitude, autant dire que c’est une belle performance. Je n’ai pas pris la peine de me maquiller, je suis honnête avec moi même. cela ne sert à rien de cacher la misère puis vu la séance qui m’attend, je n’ai pas besoin de finir en plus avec les yeux d’un panda. Derniers bisous d’amour à chérinou et je prends la route.
Ca faisait longtemps que je n’étais pas venue dans cette salle. Mon dernier rendez vous avait d’ailleurs été annulé pour cause d’enterrement. Je sais que ma venue du jour n’a pas le même but que les fois précédentes. En vrai, j’ai fortement hésité à venir. En quoi cela peut m’aider hein ça ne fera pas revenir papa. Mais parce que j’ai toujours la voix de Bienveillante qui résonne dans mon subconscient, je sais que juste parler me déchargera. Je m’installe donc dans cette fameuse chaise où mes fesses n’auraient pas dit non à un coussin, et la séance débute.
« Déjà toutes mes condoléances, comment allez-vous? ». Ben voilà, c’est parti. Une simple question et mes barrières s’effondrent. Je laisse passer quelques secondes avant de répondre « je ne vais pas bien ». Pour le moment c’est tout et je laisse sortir ma peine. Ce ne sont pas des gros sanglots comme j’ai pu connaître. Je pleure oui, mais de fatigue, de tourment, d’exaspération, de lassitude, de résignation. Puis je lui dit que j’ai un ras le bol général de la vie. Quand je regarde les trois dernières années je me dis que la vie n’a franchement pas été tendre. Le cancer de ma mère, l’accident de ma grand-mère, ma grosse prise de poids, mon burn out et maintenant le décès de papa. Marre de toujours devoir se battre, marre d’enchaîner les mauvaises nouvelles, marre de toujours tomber encore et encore. J’ai mal dans tout mon être, je n’arrive pas à gérer ça. Mes soucis d’avant me paraissent stupides et sans intérêts. D’ailleurs à quoi cela sert-il de continuer? Elle me demande de lui raconter. Alors je lui fais part de ma visite chez mes parents, les quelques jours, qui seront les derniers, que nous avons passé en famille. Cette douleur quand j’ai revu mon père malade alors qu’il y a quelques semaines de ça il allait « bien ». Cet espoir qui nous a tous maintenu quand on a pensé que son état s’améliorait, ce désespoir quand on a dû le ramener à l’hôpital et la douleur que l’on apercevait dans ses yeux comme s’il savait déjà, cette atroce souffrance quand le matin où nous a appelé pour nous dire que c’était fini. Rien ne s’est passé comme prévu. Rien de tout ça n’aurait dû arriver. Je lui raconte mon désarroi quand le jour même on s’est retrouvé aux pompes funèbres à choisir un cercueil, une urne, à devoir trouver des photos et des musiques pour la cérémonie, à s’enliser dans les démarches administratives, à répéter encore et encore la situation à nos différents interlocuteurs. On se noie tout simplement. Je raconte ma rage et ma colère envers le corps médical. Je sais qu’ils ont fait leur maximum mais pour l’instant il faut que je trouve un coupable. Je n’arrive pas à admettre que depuis le temps qu’il était suivi médicalement, son cancer n’est été détecté qu’en phase quasi finale. Et je suis par dessus tout furieuse contre ses spécialistes qui depuis le début nous disaient d’être confiant alors qu’ils savaient. J’aurai voulu plus d’honnêteté de leur part. Elle me demande alors, sans jugement, ce que cela aurait changé. A vrai dire je n’en sais rien. Aurai-je pu passer plus de temps avec lui? l’aurai-je appelé plus souvent? J’ai beau revoir la situation dans ma tête mais je ne crois pas. Le temps était déjà compté. La chose qui m’apaise c’est que l’on était tous là pour lui alors que l’on ne savait pas que c’était ses derniers jours. On l’a vu rire et participer. Même si son cerveau était déjà atteint, il était conscient et nous reconnaissait. On aurait pas pu faire plus de toute manière.
La séance continue et elle me dit que ma fatigue est normale. Maintenant que je suis revenue dans « mes repères », je dois laisser sa place au deuil. Je répond que je n’aime pas ce mot. C’est la première fois qu’on me le dit en face et ça fait mal. Pourtant je le sais, j’ai même acheté un livre (sur recommandations), du Dr Fauré intitulé « comment vivre son deuil au jour le jour ». Ca peut être barbare pour certain je le reconnais, mais pour ma part, le lire me procure un peu de réconfort. Il met des mots sur des émotions, me fait sentir « normale » quand je réagis à certaines situations. J’ai compris que c’était légitime de ressentir de la colère envers tout ces gens qui continuaient leur existence comme si de rien n’était, alors que mon monde à moi s’était écroulé. J’ai compris que c’était autorisé de ressentir de la culpabilité à vivre alors que lui ne le pouvait plus. J’ai acté le fait que j’allais me retrouver à pleurer sans raison par moment car des souvenirs ou des pensées feraient surface. j’ai intégré dans mon cerveau que la cicatrisation prendrait du temps et que j’apprendrai à vivre avec cette plaie. Ma psy me dit que j’ai décidément acquis pas mal de choses mais qu’il va me falloir du temps pour les assimiler vraiment.
Avant que notre entrevue se termine, on aborde quand même le sujet « l’armée de l’air ». Ahahahaha, au moins pour une fois ce thème passe sans douleur. Alors pour résumé, depuis ma dernière visite sur base, soit le 19 mai dernier, le service médical m’a oublié. Quel étonnement n’est-ce pas? Mais en vrai, ils diront qu’ils ont été incapable de prendre mon rendez vous avec le psychiatre sur Paris durant les délais réglementaires par manque de disponibilité, bien entendu. Ce n’est donc que courant juillet qu’ils m’ont recontacté pour me prévenir que j’aurai ce fameux entretien seulement en novembre. Ca va, laaaaaarge. Alors en somme, l’armée me désespère toujours, je n’ai toujours pas de position légale et mon dossier ne passera sûrement pas en commission de réforme avant début d’année prochaine. L’avantage maintenant, c’est que j’ai trop été déçu par l’Institution pour m’en formaliser. Alors la seule chose qui me reste à faire c’est d’attendre, comme toujours avec eux. Honnêtement, je ne sais pas comment je réagirai face au psychiatre, mais comme dit si bien chérinou, chaque chose en son temps.
11H30, je quitte le cabinet médical. en montant dans ma voiture, je dois reconnaître que je me sens plus « légère » émotionnellement. Même si les choses n’ont pas changé, mon état d’esprit c’est un peu libéré. Alors oui il y a fort à parier qu’un mal de tête fasse son apparition avec tout ce que j’ai une fois de plus pleuré, mais pour l’heure, je me sens mieux. Et c’est même avec un sourire que je prends la route du retour. Même que les ralentissements rencontré en chemin ne me feront ni chaud ni froid.
A peine arrivée que déjà il me faut repartir. Cet après-midi grand programme. Afin de m’occuper un peu, chérinou a décidé de m’amener avec lui à la boutique. Pour être honnête, tout mon corps voudrait juste s’allonger et ne rien faire du reste de la journée, mais ma tête elle, n’a pas envie de se retrouver avec ses pensées (un comble n’est-ce pas…). Et par ailleurs, Amour veut en profiter pour me présenter à des personnes de son équipe lors d’un petit repas en terrasse. Ok cela me va, dans le ciboulot, il y a déjà l’image de l’hamburger qui me fait saliver.
19H30. Boudiou!!! Enfin de retour à la maison. Nan mais sérieux, cela faisait un moment que mon cerveau ne c’était pas concentré comme ça. Rendez-vous compte de la lutte qu’il a dû endurer pour faire face à l’endormissement lors du coup de barre de l’après-midi. A ce qu’il a fallu qu’il déploie comme énergie pour reconnecter les neurones entre eux afin de comprendre de ce que disait mes interlocuteurs. J’avais oublié à quel point le monde du travail pouvait être stimulant. Honnêtement, chérinou a bien fait de me faire venir avec lui. Cela faisait longtemps que mon esprit n’avait pas autant déconnecté de mes soucis personnels et trouvé de l’interêt dans d’autres domaines. Ce simple aperçu m’a confirmé que ma place n’était décidément plus dans l’armée mais que malgré mes tracas, j’avais encore soif d’apprendre et de continuer à évoluer professionnellement. Maintenant, reste plus qu’à savoir quand ce chemin me sera définitivement ouvert…
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